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La France doit aider le Liban

On peut ne pas apprécier le libéralo-mondialisme et l’européisme effréné du président Macron mais c’est lui faire un bien mauvais procès de lui reprocher la visite faite un peu moins de 48 heures après la catastrophe de Beyrouth du 4 août 2020, puis son retour le 1er septembre. C’est, en effet, inacceptable d’entendre des politiciens parler de « néocolonialisme » (dans un pays où l’Iran et le régime syrien règnent en maîtres) ou d’autres tenter de réduire cette action française à une « opération de communication ».

À Beyrouth, le président français a promis l’aide de la France au Liban ainsi que l’organisation d’une conférence internationale de soutien et d’appui pour coordonner l’aide internationale. Mais, en même temps, il a dit aux foules qui l’acclamaient qu’il comprenait leur « saine colère » et il a clairement indiqué qu’une révolution est en marche et qu’il n’aura « aucune complaisance » à l’égard d’une classe politique prédatrice qui, à commencer par le Hezbollah et son patron iranien n’a aucun intérêt à l’établissement d’un État de droit luttant efficacement contre la corruption, la gabegie et le confessionnalisme. Si des réformes considérables ne sont pas faites, le Liban continuera de s’enfoncer dans une crise irrémédiable, et ces réformes passe par la démission du président Aoun (maronite de 85 ans), du premier ministre (méprisé par la communauté sunnite) et du président chiite du parlement, 82 ans. Il faut modifier le système féodal de fond en comble, mettre fin aux divisions, de lutter contre la corruption est une exigence. Elles passent surtout par la réduction du rôle néfaste de l’Iran et du Hezbollah. Cela implique une véritable révolution. Il y a déjà près de 40 ans, le propriétaire du quotidien Al Yom Wafic el Tibi écrivait « La véritable révolution libanaise reste à faire, nous avons besoin d’un nouveau système sinon nous mourrons ». Depuis, hélas, rien n’a changé ; il est donc souhaitable que les courageux manifestants libanais poursuivent leur action quoiqu’il en coûte, sinon c’est le système prédateur qui gagnera de nouveau.

Il faut être clair, il n’y a pas de gouvernement libanais mais une mafia irresponsable dont il convient de se débarrasser. Le président français a annoncé qu’il reviendra en septembre. Acceptons en l’augure et espérons qu’il ne s’agit pas d’une de ces promesses vides de sens auxquelles il est parfois enclin. Il faut, en effet, un profond changement pour sortir le pays de l’impasse mortelle dans laquelle il est enfermé. Du coup, on se demande comment M. Macron va résoudre la quadrature du cercle et sauver le Liban tout en continuant à mener une politique de coopération avec les prédateurs régionaux que sont l’Iran et Israël, les deux plus grands ennemis d’un Liban indépendant et maître chez lui. Par ailleurs, on peut se demander comment l’aide envoyée aux Libanais n’ira pas « dans les mains de la corruption » alors que tout le pays est rongé par ce fléau.

Voici une question qui devra être examinée sérieusement par les donateurs internationaux réunis par la France. Quant aux sanctions frappant le Hezbollah, qui s’inscrivent dans la lutte des États-Unis contre le régime iranien, il est vrai qu’elles affectent surtout les opposants de la milice iranienne laquelle continue tranquillement à recevoir de l’argent et des armes de l’Iran via la Syrie d’Assad, mais cela ne rend que plus évidente la nécessité de se débarrasser du Hezbollah.

Enfin, il est essentiel de faire toute la lumière, sans épargner personne, sur les causes de l’explosion Sur ce point on ne peut que regretter que le président Aoun ait rejeté, le 7 août, le principe d’une enquête internationale qui seule serait crédible aux yeux des Libanais en évitant de s’en prendre aux seuls lampistes. La terrible catastrophe de Beyrouth connaîtra t elle le même sort que l’ignoble assassinat de Rafic Hariri, commis il y a quinze ans et pas encore jugé puisque, comme, par hasard, le jugement des miliciens du Hezbollah mis en accusation pour ce crime, prévu le 7 août a encore été reporté par le Tribunal spécial pour le Liban (siégeant aux Pays Bas) après la catastrophe du 4. À la veille du retour d’Emmanuel Macron à Beyrouth, le 1er septembre 2020 où il a demandé au Liban de mettre en place un « gouvernement de mission » car il est impossible pour le pays d’obtenir de l’argent « sans la mise en œuvre d’un grand plan de réformes » le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah s’est dit ouvert « à toute discussion constructive » sur le sujet du nouveau pacte politique proposé par Macron mais « à la condition qu’il s’agisse d’un dialogue libanais » (ce qui est le comble pour une organisation qui est l’émanation du régime iranien. Surtout le chef de la formation pro-iranienne n’a pas précisé quels changements son mouvement était prêt à accepter et il a mis garde les militants des réformes en affirmant que « les revendications des manifestants n’expriment pas la volonté du peuple libanais » ce qui indique que le Hezbollah préfère ramener le Liban « à la guerre civile plutôt qu’accepter une réforme ».

Il est évident que le problème libanais est double le jeu du Hezbollah et de son patron iranien, d’un part, la faillite d’une classe politique corrompue qui a prospéré à l’ombre du confessionnalisme, d’autre part On voit que le chantier du renouveau libanais est immense mais qui d’autre que France pourrait s’y atteler ?

Zeina el Tibi

Article paru initialement dans le bulletin n°69 de l’Observatoire d’études géopolitiques

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